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13 juin 2013

La protection de la Palmeraie de Marrakech est en route

La protection de la Palmeraie de Marrakech est en route

Emblématique mais longtemps délaissée, la Palmeraie de Marrakech est aujourd’hui protégée. La Fondation Mohammed VI pour la protection de l’Environnement est aujourd’hui le maître d’œuvre de son plan de sauvegarde et mobilise toutes les énergies.

Pour Marrakech, la palmeraie est indissociable de son identité. Elle a été, depuis sa fondation en 1064, la mère nourricière de la ville. Cette dernière y puisait sa nourriture, les matières premières pour son artisanat, le combustible pour ses fours. Elle entourait la ville dans un écrin vert jusqu’au pied de ses remparts, où les habitants s’y récréaient et y trouvaient inspiration et joie de vivre, cette bahja célébrée par la verve des poètes et des chanteurs.

Mais en un siècle à peine, elle a perdu une grande partie de sa superficie. Elle occupe aujourd’hui entre 6000 et 12000 hectares, selon la définition qu’on donne de son couvert et de son faciès. Et ce qu’il en reste se détériore rapidement, le rythme de sa rétractation s’étant accéléré au cours de ses trente dernières années.

Un faisceau de raisons explique cette situation. La palmeraie, jadis jardin agricole de la ville, a perdu ses agriculteurs, reconvertis dans des métiers plus lucratifs, tandis que les grandes exploitations modernes de la plaine du Haouz prenaient le relais de la production nourricière. Faute d’agriculture, tout le réseau savant d’irrigation, khettaras en sous-sol et séguias en surface, a été progressivement abandonné, laissant les palmiers à leur sort. Si, en bordure de l’oued Tensift, les racines des palmiers pouvaient descendre jusqu’à 15 mètres puiser directement l’eau de la nappe, le rabattement de celle-ci à plus de 40 mètres par l’excès de pompage moderne les a privé de cette ressources sous-terraine.

L’urbanisation est l’autre mal de la Palmeraie. Si elle est théoriquement protégée par un dahir de 1929, elle est sous la pression d’une urbanisation touristique, résidentielle et commerciale, fonctionnant sur des dérogations au schéma directeur. La fonction même des douars a changé : hier agricole, elle est aujourd’hui urbaine. Alimentés par la démographie et l’exode rural, ils ont proliféré depuis un demi-siècle. Enfin, la palmeraie, espace ouvert, est victime de déchargements sauvages de gravats et d’ordures, pollution qui s’accumulait depuis longtemps.

La sonnette d’alarme a été tirée dès les années quatre-vingt dix, à la naissance du phénomène d’urbanisation. Mais ce n’est finalement qu’en 2006, que, la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement, sur instruction du Souverain, a lancé un plan de sauvegarde et mobilisé acteurs publics et privés pour sa réussite.

Ce plan a commencé par mettre sur pied un dispositif institutionnel de protection, en renforçant l’arsenal juridique et en veillant aux respect des règles existantes, notamment d’urbanisme. La Palmeraie a été délimitée, en prenant son extension maximale, soit 12000 hectares sur lesquels ont été dénombrées 120 000 touffes de palmiers.

Le marais de l’Oulja, encore préservé de l’urbanisation parce que marécageuse, est en cours de classement en Site d’Intérêt Biologique et Ecologique (SIBE), qui en fera une vraie réserve naturelle de 250 hectares, protégeant la riche flore et faune qui y vit : 15 espèces de mammifères, 24 de reptiles et surtout 49 d’oiseaux, dont certaines rares comme la mangouste, les hérons pourpré et crabier, ou l’ibis falcinelle. Le classement en SIBE permettra de préserverun site remarquable, sans équivalent aujourd’hui, et complètement naturel.

Surtout, les opérations de replantation ont commencé. Une pépinière a été créée par la municipalité avec une capacité de80000 plans par an destinés à la replantation. Des variétés ont été sélectionnées pour leur adaptation au climat de Marrakech : le palmier dattier a besoin de cumuler des jours de chaleur pour fructifier, et seules les variétés dites précoces y parviennent, le climat de ce côté de l’Atlas étant plus froid que du côté saharien. Des plants de Bou Feggous, une variété gustative appréciée, ont été ainsi multipliés en culture in vitro et élevés dans la pépinière.

La pépinière a produit à ce jour 660000 palmiers et 520000palmiers ont déjà été replantés en cinq ans, soit plus que n’en prévoyait le programme. Elle dispose en stock de 140 000 jeunes plants.

Près de 15000 palmiers morts ont été dégagés.38 000 tonnes de gravats qui avaient été déversés illégalement dans la palmeraie ont été enlevés, tout comme 50 tonnes de déchets en plastique. Pour irriguer ces jeunes touffes, les moyens du bord, c’est-à-dire des camions citerne ont d’abord été utilisés. Des puits avec des pompes solaires ont ensuite été installés au cœur du site.

Aujourd’hui, un programme d’irrigation ambitieux a été entamé. Deux prises d’eau ont été installées sur la conduite forcée qui achemine les eaux retraitées de la station d’épuration vers les golfs, une à l’Est et une autre à l’Ouest. Cette dernière permet d’ailleurs de compenser l’arrêt de l’épandage direct des eaux usées, qui était paradoxalement l’unique source d’alimentation régulière en eau du marais. Ces deux prises d’eau des réseaux permettront d’irriguer 1000 hectares en goutte-à-goutte ou à la séguia. La réalisation de ce programme mobilisera 100 millions de dirhams, ce qui pose le problème de son financement. 40 sont apportés par la RADEEMA, et la Fondation Mohammed VI mobilise ses partenaires pour déployer le reste du programme. C’est elle qui, par exemple, à mis en place un mécanisme de crédit carbone qui a permis à de grandes entreprises marocaines, la Caisse de Dépôt et de Gestion, l’ONA, l’OCP, Lafarge, etc, de financer la plantation de 30000palmiers.

L’habitat insalubre a été résorbé. Les habitants des douars de la Palmeraie ont été sensibilités aux enjeux, pour en faire des alliés de sa protection. Les enfants ont reçu des vélos, les classes sont encadrées dans des activités du programme Eco-Ecoles et invitées à planter des palmiers, etc. Des actions sociales, comme la création d’activités génératrices de revenus en faveur des femmes des douars de la Palmeraie ont été menées.

Pour sécuriser tout ce travail, éviter de nouvelles pollutions, une escouade de cavalerie des forces auxiliaires a été créée. Logée au cœur de la palmeraie, ses douze gardes montés patrouillent sept jours sur sept, 24 heures sur 24, pour protéger la palmeraie.

En 2006, un Observatoire de la Palmeraie de Marrakech a été créé, pour introduire la société civile dans le processus de protection. Pour redonner la jouissance de la Palmeraie aux habitants de la ville, un circuit pédestre de 5,2 km a été créé.

Sept années après le lancement du programme, les résultats sont encourageants. La Palmeraie est délimitée, son patrimoine a été inventorié, le processus de dégradation arrêté. Les outils pour sa surveillance et sa protection sont en place.

Seul bémol, l’urbanisation qui reste difficile à contenir. 500 hectares de bâtiments ont été autorisés sur ce site en l’espace de 20 ans. En l’absence de schéma urbanistique de la ville, qui reste à publier, presque tout semble permis et les recommandations pour diminuer l’urbanisation dans la palmeraie restent sans effet.

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